La composition des jurys de VAE est prévu juridiquement (administrativement le plus souvent, législativement parfois) pour chaque diplôme : par décret, arrêté, circulaire, … Initialement, la loi de 2002 instituant la VAE voulait une composition paritaire, moitié enseignant, moitié professionnel.
Mais trop souvent encore, le certificateur et organisateur des jurys n’en respecte pas la composition prescrite (et encore moins l’esprit, voir même le principe de VAE lui-même). Ainsi ai-je vu un élève se retrouver devant 13 (oui, treize !) enseignants, un pour chaque matière à valider, sans aucun professionnel pour son baccalauréat en VAE.
Les certificateurs (Education Nationale très majoritairement) ont certaines difficultés à respecter la composition légale du jury, d’abord d’un point de vue strictement organisationnel : ils savent difficilement organiser les ressources humaines, arguant c’est parfois particulièrement difficile de trouver des membres de jury, de réussir à les mobiliser et d’arriver à un agenda commun en terme de lieu et de date.
Ainsi c’est justifié le Président de l’Ensai : » il est particulièrement difficile de trouver des enseignants-chercheurs dans le domaine de la finance assurance pour participer à un jury de VAE de l’Ensai. En effet, le vivier d’enseignants-chercheurs compétents dans ce domaine est des plus restreints, a fortiori sur la place rennaise, et peu enclin à se mobiliser pour une activité ponctuelle (2 heures en présentiel), sans retombée directe en termes de recherche. C’est ainsi que le jury de 2017 qui a examiné la demande de M. A… a nécessité de rendre compatible une contrainte d’agenda et une contrainte de carnet d’adresses (mobilisation du réseau) qui n’ont pas permis de réunir plus de trois enseignants-chercheurs. » Et cela peut être préjudiciable au candidat en VAE, si la composition a une influence sur le sens de la décision prise ou qu’elle prive l’intéressé d’une garantie. Alors sachez que vous pouvez alors contester devant le Tribunal Administratif la décision du jury de VAE car cela entache d’irrégularité la délibération et doit conduire à son annulation.
C’est ainsi ce qui a été jugé devant le CAA de NANTES, N° 18NT02707, 5ème chambre, 20 septembre 2019 :
« Toutefois, l’école ne justifiait pas ainsi se trouver dans des conditions qui ne la mettaient pas à même de réunir un jury composé de manière régulière, ces contraintes d’emploi du temps ne pouvant caractériser la » formalité impossible » alléguée par l’administration. »
« D’autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. L’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte. Dès lors, s’agissant des conditions de l’adoption même d’une décision, la circonstance que le jury se soit réuni dans une formation ne comprenant pas une majorité d’enseignants-chercheurs entache d’irrégularité la délibération contestée et doit conduire à son annulation. »
Rares sont les personnes qui osent demander à la justice administrative de condamner un certificateur. Et pour causes. Notons ainsi que les certificateurs ont trouvé bien des parades pour éviter les condamnations. Citons les PV où les fonctions de membres du jury ne sont pas notées, qui ne sont signés que par le Président du Jury, où que les candidats ne rencontreront tout simplement jamais.
Ainsi, la composition des jurys au Diplôme d’Expertise Comptable (DEC) en VAE par arrêté VAE du 13 février 2019, art. 8 : une commission d’évaluation composée en nombre égal d’enseignants et d’experts comptables (ou diplômés d’expertise comptable ou commissaires aux comptes,) désignés par le président du jury national du DEC. Or aucun candidat ne fera face à cette commission. Vous passerez devant quelques personnes membres d’une commission régionale d’évaluation. Un de ses membres ira devant la commission d’évaluation pour donner son avis sur votre VAE. Il en est de même pour le DCG et le DSCG …. Donc, ne pas confondre jury légalement composé et signataire/décideur légal sur votre demande de VAE et les « commission régionale d’évaluation » et autres dénominations qui ne donnent qu’un « avis ».
Autre parade de certificateur pour éviter les condamnations ? Mettre dans le texte que le non-respect de la composition prévue du jury n’a aucune incidence sur la légalité de sa décision. Presque tous les diplômes renouvelant leur inscription au RNCP le font. Ainsi, pour le BAC PRO – Assistance à la gestion des organisations et de leurs activités (AGOrA) en VAE (Source : https://www.francecompetences.fr/recherche/rncp/34606/#ancre7) :
« Le jury est composé :
- de professeurs appartenant à l’enseignement public et, sauf impossibilité, au moins d’un professeur appartenant à l’enseignement privé sous contrat ou exerçant en centre de formation d’apprentis ou en section d’apprentissage ;
- et, pour un tiers au moins, de membres de la profession intéressée par le diplôme, choisis en nombre égal parmi les employeurs et les salariés.
Si cette proportion n’est pas atteinte en raison de l’absence d’un ou de plusieurs de ses membres, le jury peut néanmoins délibérer valablement. »
Circulez, il n’y a plus rien à voir… Sauf encore à ce jour pour le BTS – Comptabilité et Gestion (Source : https://www.francecompetences.fr/recherche/rncp/35521/#ancre7 )
« Le jury, nommé pour chaque session par arrêté du recteur d’académie, est présidé par un enseignant-chercheur ou par un inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régionale de la spécialité du diplôme. Il est composé à parts égales :
- De professeurs de l’enseignement public, représentant la majorité des personnels enseignants, dont un enseignant-chercheur, et s’il y a lieu, de professeurs de l’enseignement privé sous contrat ou exerçant en centre de formation d’apprentis ou en section d’apprentissage.
- De membres de la profession intéressée par le diplôme, employeurs et salariés. »
Plus ubuesque vous voulez ?
Pour la VAE au Diplôme de Comptabilité et de Gestion (DCG), le jury national est une commission d’évaluation dont la composition est définie par le Code de l’éducation : article L613-4 modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 – art. 78, cf France compétence en avril 2023. Or la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 a abrogé cet article. On trouve à l’article L6412-3 (Créé par la loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 – art. 10) : « La validation des acquis de l’expérience est prononcée par un jury dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret. »
Or, 7 mois après aucun décret n’est encore paru … Mes stagiaires passent l’oral du DCG devant une « commission » dénuée de toute base légale en ce mois de mai 2023 … L’Administration…
On peut supputer que comme auparavant, le jury sera composé en nombre égal d’enseignants et de comptables (diplômés d’expertise comptable ou commissaires aux comptes le plus souvent) désignés par le président du jury national du DCG. Souvent le jury national désigne des enseignants qui ont presque toujours double casquette, exerçant en commissariat ou en expertise comptable en parallèle (ou en principal) de leurs heures d’enseignement (universitaires le plus souvent). Ils sont souvent membres des instances (régionales et/ou nationale) de l’Expertise ou du Commissariat au compte. Compta-VAE saura vous préparer à l’oral devant le jury de VAE au DCG.